LFI et les municipales et un conseil de lecture.

LFI prépare les municipales. D’autres que moi ont dit que ce parti le faisait avec méthode. Je crois qu’il faut d’abord revenir en arrière, sur l’échec de Louis Boyard aux élections municipales de Villeneuve Saint -Georges. Louis Boyard a échoué parce que les électeurs avaient un doute sur sa capacité à gérer la ville , mais aussi parce qu’ il était proche de militants islamistes et que les électeurs ont eu peur d’une proximité avec des associations islamistes et communautaires. A mon avis LFi a tiré les leçons de cette échec. Lfi a déclenché lors de la guerre à Gaza une campagne antisioniste et antiisraélienne d’une violence inouïe. Cette campagne a unifié les militants , mais avec le cessez- le feu à Gaza, le thème n’est plus très porteur. De plus, LFi a sans doute vu que sa violence anti sioniste allait lui aliéner les électeurs modérés. D’où une sorte de campagne disant que l’antisémitisme n’existe pas à gauche ( tiens donc et le cas de l’universitaire de Lyon qui publie une liste de personnalités qualifiées de  » génocidaires  » !!!! et dont on apprend qu’il a relayé un photomontage clairement antisémite , universitaire que Mélenchon et Lfi ne condamnent pas) . D’où aussi l’ idée développée par lfi et ses proches que l’ Islam est une religion qui n’a pas de lien avec le domaine politique et que les Musulmans sont des croyants qui souhaitent pratiquer pacifiquement leur religion . C’est vrai pour la majorité d’entre eux , mais on peut penser que dans les municipalités qu’ils pourraient diriger , les éventuels maires lfi pourraient soutenir des associations radicales en matière de voile ou de port du burkini . On peut en voir des éléments dans les critiques adressées aux sondages sur les progrès du fondamentalisme musulman chez les jeunes Musulmans et au sondage ( finalement non publié ou non réalisé ) sur l’antisémitisme à l’ université. La politique de lfi semble être la suivante : modérer la violence pour ne pas effrayer les électeurs modérés.

Mon conseil de lecture porte sur un autre sujet . Il s’agit de l’ouvrage de Sophie Coeuré Georges Marchais ou la fin des Français rouges ( ed. Payot) consacré au Secrétaire général du PCF dans les années 1970- 1990. C’est un ouvrage très intéressant . On a souvent reproché à Gerges Marchais d’avoir travaillé dans une usine d’aviation allemande et d’avoir été travailler en Allemagne en 1942 . Il n’a sans doute pas eu le choix , il était sans doute très difficile d’échapper aux réquisitions de main d’oeuvre. Par la suite , Marchais est devenu un défenseur résolu du modèle soviétique, sans distance critique. Son modèle , c’était l’ Urss , c’est à dire le pouvoir exercé par des bureaucrates au nom du prétendu bien du peuple . L’ L’ouvrage montre aussi à quel point Marchais et les dirigeant communistes étaient liés à l’Urss ( ils rendaient des comptes , écoutaient les critiques , le Pc était lié financièrement à l’ Urss . Les Soviétiques pouvaient aussi les rappeler à l’ordre) . Ils étaient aussi liés aux pays du bloc soviétique . Marchais a rencontré plusieurs fois le dirigeant roumain Ceaucesscu , un terrible dictateur , qui avait pris une certaine distance avec l’ Urss. Or , Marchais ne voit rien de la misère qui régnait en Roumanie . Un de ses proches , devenu critique, lui fait remarquer qu’il lui aurait suffi de sortir dans la rue à Bucarest pour voir la misère qui y régnait . Un point peut être discuté. En 1972 , le PC , le PS et les Radicaux de gauche avaient signé le programme commun d’union de la gauche , union de la gauche que le Pc a rompu en 1977. Cependant, pendant quelques années ( 1975- 1976) , le Pc semble avoir connu une évolution libérale : acceptation de l’ Otan , abandon de la dictature du prolétariat . Le PC avait violemment critiqué Soljenitsyne lors de la parution de l’ Archipel du Goulag , puis avait défendu des dissidents comme Natan Chtaranski ou Leonid Plioutch. Certains ont cru que le Pc allait réussir à s’émanciper de l’ Urss. Mais est -ce si sûr ? Les bonnes intentions de Marchais ne ne sont pas en cause , mais en cas de victoire son « logiciel politique  » l’aurait sans doute emporté et le Pc aurait pratiqué l’entrisme dans les secteurs clés de l’ Etat et les bureaucrates auraient donné des leçons de morale à tout le monde dans une France frappée par la misère. De plus , la vieille garde du PC aurait rapidement repris la main et se serait alignée sur l’ Urss. De toute façon les Etats- Unis et les structures profondes de l’ Etat n’auraient jamais permis que les communistes accédassent à des postes de contrôle. En 1944 ,Staline avait dit à Thorez qu’une prise de pouvoir par les communistes n’était pas possible dans un Etat où se trouvaient des troupes américaines.On pourrait dire qu’en 1976 la prise de pouvoir n’était pas possible dans un Etat ancré dans le bloc occidental. L’autre point que souligne Sophie Coeuré c’est que le succès et l’échec de Georges Marchais et du PC était lié au déclin à partir des années 1970 de la sociologie du Pc c’est à dire les ouvriers des usines . Or , à partir de 1974 et de la crise économique , les usines ferment , le chômage augmente ,les formes du travail se modifient et l’encadrement communiste diminue dans une société plus éduquée , plus individualiste et plus morcelée . Enfin , il me semble que Sophie Coeuré ne souligne pas que tous les ouvriers n’étaient pas communistes. Il y avait des ouvriers très anticommunistes. et des ouvriers chrétiens. Il est enfin agréable de voir Sophie Coeuré recommander des ouvrages qui m’avalant marqué : les ouvrages de fiction comme Du passé faisons table rase du regretté Thiery Jonquet ou Partie de chasse d’ Enki Bilal et Pierre Christin ou les essais politiques de Guy Konopnicki

Terminons par une petite tentative de politique- fiction ou un petit exemple d’histoire contrefactuelle, que se serait- il passé si ? Imaginons que le Pc n’ait pas rompu l’union de la gauche en septembre 1977 et que la gauche ait gagné les élections législatives du printemps de 1978. Dans cette configuration , on peut imaginer que Giscard d’ Estaing reste président et que Mitterrand devient premier ministre. Les communistes n’accèdent pas aux ministères clés ( Armées , Intérieur ,Economie ) mais à certains ministères tels que l’ Energie , les transports , la santé. Mitterrand applique le programme commun : hausse des salaires ,nationalisations ( 1981 par anticipation) . Mais assez vite , la situation économique se dégrade : attaques contre le Franc , dévaluation , la RFA fait savoir que l’équilibre monétaire européen est menacé . Les milieux d’affaires , les Etats- Unis agissent pour déstabiliser l’économie . Trois scénarios apparaissent possibles , du moins probable au plus probable.

  • Prague 1948 . On peut imaginer que le PC souhaiterait occuper plus de postes stratégiques ,dans l’armée , la police , l’économie . Face au refus du président et du premier ministre ,le Pc fait manœuvrer ses militants  » indignés » . Mais le président ne cède pas.
  • Chili 1970- 1973. Les Etats- Unis , les milieux d’affaires mènent des politiques de déstabilisation de l’économie ( fuite des capitaux) . L’économie stagne , le mécontentement est grand , l’extrême- gauche essaie de radicaliser le mouvement . Des généraux font savoir que la situation n’est plus acceptable.Instruits par l’exemple chilien , Mitterrand et Marchais freinent les réformes et les mouvements s’arrêtent.
  • De Gaulle 30 mai 1968 . Face au désordre économique , le Président de la République dissout l’ Assemblée nationale. La campagne est très animée, mais la gauche subit une lourde défaite.

Epilogue. Quelques mois après la défaite de la gauche , les dirigeants du PC rencontrent les dirigeants soviétiques . Les échanges sont francs et constructifs , c’est à dire comme le dit Sophie Coeuré marqués par des désaccords. Les dirigeants soviétiques reprochent aux communistes français d’avoir mené une politique aventuriste . Une expérience de gauche  » extrême »n’était guère possible dans un pays lié aux Etats- Unis et à l’ Europe . Il aurait mieux valu conserver ses forces pour susciter des mouvements pacifistes au moment où les Etats- Unis installent des fusées Pershing en Allemagne. Deuxième conséquence. Lors des élections présidentielles de 1981 , Giscard d’ Estaing est largement réélu et mène une politique de modernisation et d’austérité à la Thatcher et Reagan. Mitterrand , devenu sénateur de la Nièvre ,peut enfin écrire pour Gallimard l’ouvrage promis sur le coup d’ Etat du Deux Décembre 1851. En 1988 , la campagne présidentielle oppose Jacques Chirac et Michel Rocard , élu de justesse ,malgré les critiques conjointes de Mitterrand ( Rocard , la fausse gauche) et de Marchais ( Rocard , la pseudo-gauche au service du  » grand capital ») En 1995 , Jacques Chirac est enfin élu à la Présidence. Enfin , en octobre 1989 , Georges Marchais se rend en RDA pour le quarantième anniversaire du régime . Il rencontre le dirigeant de la Rda Honecker et l’assure de son soutien à sa politique de liberté et de progrès et souligne le côté  » globalement positif » des Etats du bloc soviétique.Il rencontre Gorbatchev qui lui dit ce qu’il avait dit à Honecker : » Ceux qui ne vont pas dans le sens de l’ histoire ,sont condamnés à être balayés » . après la chute du Mur de Berlin , Georges Marchais ne comprend toujours pas comment les régimes des pays de l’ Est et l’ Urss ont pu disparaître et pourquoi ils étaient si impopulaires.Il ne s’interroge guère sur l’échec économique , la misère et la terreur policière de ces régimes.

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