Le maintien de l’ordre, la mort du jeune Nahel tué par un policier, les violences commises par certains policiers ( l’un d’eux est emprisonné car il est soupçonné, avec certains des ses collègues, d’avoir commis des violences sur des jeunes gens à Marseille qui regardaient ce qui se passait et n’avaient rien à voir avec les émeutes) . A Montreuil , un jeune homme a été blessé par une grenade lacrymogène lancée qui ne paraissait pas justifiée. Le directeur de la police nationale a apporté un soutien au policier emprisonné; les magistrats ont souligné que le juge avait emprisonné le policier à la suite d’un débat contradictoire. Les syndicats de magistrats ont souligné que l’indépendance de la magistrature devait être respectée.
Ces évènements tragiques posent la question du maintien de l’ordre. Les protestations contre les mégabassines, les émeutes sont très violentes avec des incendies , des destructions. Les policiers sont menacés , certains ont failli perdre la vie en étant brûlé dans leur véhicule.
Je ne sous- estime pas la violence dont sont victimes les policiers, ni les difficultés du maintien de l’ordre , mais en même temps, la question du maintien de l’ordre et du soutien aux policiers se pose. Il me semble qu’ Emmanuel Macron qui possède de grandes qualités ne comprend rien au maintien de l’ordre et est toujours surpris par les violences. On l’avait vu au moment du mouvement des gilets jaunes. Il me semble qu’il y a eu une grande surprise, une absence d’anticipation face au mouvement, ensuite une répression violente face au mouvement ( très violent lui aussi) ,mais guère de réflexion face au maintien de l’ordre. Au moment de la crise des gilets jaunes, la chaîne LCP avait diffusé une très bonne série d’émissions sur le maintien de l’ordre sous la Vème République. Le documentaire montrait que la répression était très dure au moment de la guerre d’ Algérie ( l’action du FLN de la région parisienne pourrait être discutée) ,et de Mai 1968 et dans les années post -1968 ( pas avec la même violence que pendant la guerre d’ Algérie cependant). Mais en même temps , les responsables du maintien de l’ordre et les sociologues réfléchissaient à la manière d’améliorer les relations entre la police et les manifestants. Les émissions de LCP montraient bien qu’ en Allemagne , il y a une négociation entre la police et les organisateurs de la manifestation et une recherche de ce qu’un sociologue appelle dans l’émission , la » recherche de la désescalade » : pas de provocation, recherche d’issues de sortie. Cette recherche de la désescalade ne semble pas assez mise en oeuvre en France. Les leçons du préfet Grimaud , préfet de police de Paris pendant Mai 1968 ( » frapper un homme à terre, c’est se frapper soi-même » ) ne semblent pas avoir été écoutées.
Cette répression souvent brutale ( je ne sous-estime pas la brutalité des » black blocks » et des émeutiers) pose la question de la formation des policiers. Les policiers ne sont sans doute pas suffisamment formés et encadrés. Peut -être bénéficient-ils d’une certaine indulgence. Les violences contre les » jeunes des banlieues » sont aussi problématiques.Peut- être le jeunes sont ils plus violents ( comme le souligne le sociologue Olivier Galland dans un article de la revue en ligne » Telos ») ou soupçonnés d’être violents. J’ai lu quelque part que les policiers américains, Noirs ou Blancs, considèrent tout jeune Noir comme un délinquant potentiel , d’où des morts tragiques. Le film de Ladji Ly » Les Misérables » montre bien les violences policières en banlieue et leurs conséquences. Mais en même temps , on pourrait remédier au manque de formation des policiers, au manque d’encadrement des policiers. La disparition de la police de proximité a été une erreur. Des progrès peuvent être réalisés .Il y a quelques années ,la Cour de Cassation a condamné la police pou les » contrôles au faciès ». Des progrès pourraient être réalisés ,en matière de formation et d’encadrement.
Le maintien de l’ordre est aussi une question politique. Le Ministre de l’ Intérieur poursuit certainement des buts politiques. On pourrait critiquer son indulgence à l’égard des violences commises par certains policiers.
On peut s’interroger sur ce que pense Emmanuel Macron du maintien de l’ordre. A mon avis , les violences des gilets jaunes,de certains » jeunes de banlieue » ( pas de tous, à mon avis on n’a pas assez parlé de ceux qui ont considéré ces émeutes comme une catastrophe pour l’intégration) le surprennent. Les protestations et les émeutes sont réprimées, mais sans réflexion de fond sur le maintien de l’ordre. Je vais risquer une hypothèse. L’ historien des Droites René Rémond a distingué plusieurs Droites – légitimiste , orléaniste ,bonapartiste-. Son ouvrage a marqué plusieurs générations et le député Jean-Louis Bourlanges aime le citer lors de sa participation au » Nouvel Esprit public » . Il me semble qu’ Emmanuel Macron est un orléaniste. Il est favorable aux libertés, à l’épanouissement personnel ( économie , libertés individuelles) à la responsabilité individuelle. La somme des libertés individuelles doit conduire à l’harmonie de la société. La violence ,les émeutes sont ainsi mal comprises et perçues comme une anomalie. Il faut réprimer ,mais sans que cela s’accompagne d’une réflexion sur le maintien de l’ordre. C’était un peu le cas sous la Monarchie de Juillet. Louis- Philippe était un libéral , mais cela ne l’a pas empêché de réprimer : révolte de canuts , enterrement du général Lamrque , massacre de la rue Transnonain. La violence paraît comme une anomalie qu’il faut bien réprimer malgré tout. En ce sens , il me semble qu’ Emmanuel Macron est un orléaniste. Or, il me semble que le maintien de l’ordre nécessiterait une réponse bonapartiste ou républicaine. L’ Etat montre sa puissance et son autorité ( sous le contrôle du juge) . Il montre qu’il sait faire preuve d’autorité ,que la répression ne l’indiffère pas. Cela rassure les citoyens , mais aussi sans doute les délinquants qui voient qu’ils ont en face d’eux un pouvoir qui prend le maintien de l’ordre au sérieux.