» Le Paquebot  » de Pierre Assouline

Ce blog se nommait mon blog politique ,mais les élections sont passées et je vais élargir mon sujet au domaine littéraire , ou artistique . Je souhaiterais parler de l’ouvrage de Pierre Assouline  » Le Paquebot » ( ed Gallimard) . Le roman évoque la dernière traversée du paquebot Georges Philippar qui fut détruit par un incendie en mai 1932 . Au cours de ce naufrage Albert Londres trouva la mort . Les navires se prêtent bien aux romans ou aux films . Agatha Christie en a fait le cadre de son roman  » Mort sur le Nil » ( je ne l’ai pas lu mais vu le film…) Il existe un célèbre épisode de Colombo qui se déroule sur un navire de croisière. On peut évoquer  » la croisière du Navigator » de et avec Buster Keaton ( j’en avais vu une belle projection commentée au Théâtre de Montreuil l’an dernier) . Le roman de Pierre Assouline n’est pas un roman policier ,plutôt une réflexion . Le paquebot se prête bien à cette méditation . C’est d’abord une réflexion historique . L’action se situe en 1932 et Pierre Assouline imagine des discussions entre son personnage principal et d’autres passagers démocrates et des passagers allemands appartenant au patronat industriel et attirés par le nazisme . Il souligne l’attraction qu’exerçait le nazisme et la croyance des milieux dirigeants allemands de pouvoir contrôler Hitler. Il souligne l’antisémitisme de ces milieux et leur sous -estimation de la barbarie nazie .

L’ouvrage est aussi une critique de la bourgeoisie . Il fallait être très riche pour voyager en première classe. et Pierre Assouline souligne l’égoïsme de ces milieux bourgeois . » D’où vient l’argent ? » écrit -il à plusieurs reprises et on a envie de répondre : » de l’exploitation de ouvriers » et des peuples colonisés . L’ouvrage montre aussi la dureté de l’exploitation coloniale en Indochine .

C’est aussi une réflexion humaniste. Le personnage principal lit ( et traduit  » La montagne magique » de Thomas Mann ( écrivain humaniste et antinazi ) et est négociant en livres rares .Il est attaché à la conservation et à la transmission de la culture . L ‘ouvrage est aussi une belle méditation sur la mélancolie ,le sens de la vie .que faire de sa vie dans un lieu clos comme un paquebot ? Dialoguer ,participer et organiser des discussions philosophiques , des  » disputatios », jouer aux échecs , observer les autres et leur attitude sociale ( Proust est mentionné à plusieurs reprises) , tomber amoureux. le voyage n’est pas seulement un voyage sur l’océan ,mais un voyage à la recherche de soi-même, une méditation ,mais aussi une recherche sur ce que l’on ne veut pas être ( un exploiteur ,un admirateur de Hitler) et sur ce que l’on est : un homme mélancolique , attaché à une distance ironique. On y trouve quelques beaux portraits d’hommes courageux ( un amiral en retraite et sa petite -fille ,une femme attirante par sa personnalité mélancolique et passionnée )

C’est enfin un portrait d’ Albert Londres . Pierre Assouline a raison de lui rendre hommage en soulignant que sans lui de nombreuses injustices n’auraient pas été dénoncées ( les asiles psychiatriques, le dopage sur le Tour de France ,l’atroce exploitation coloniale) et que certains sujets n’auraient pas été abordés ( l’antisémitisme , le retour des Juifs en Palestine avec la création du Foyer national juif ) . La mort tragique d’ Albert Londres laisse planer un mystère sur sa dernière enquête en Chine et nous prive d’enquêtes futures.

Bref ,une réflexion mélancolique sur le monde ,une révolte face à la barbarie nazie ,mais aussi un point de vue humain face à la barbarie . La traversée en paquebot est un moyen de développer une analyse sur le monde de 1932 et les menaces ,mais aussi de développer une méditation sur soi et les autres , ceux qui refusent d’abdiquer leur part d’humanité.Un exemple , donc.

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